LES PAYSAGES DE DIDIER BEQUILLARD
Catherine Huber
Didier Béquillard a travaillé en résidence à l’ENAC. Là comme ailleurs, avec peut être un peu moins de gravité, il interroge le corps, l’espace, le temps, les relations réelles ou imaginaires qui se tissent entre toutes ces perceptions.
Les formes sont simples , puisque réellement empruntées à des silhouettes humaines qui se sont prêtées au jeu, les habitants du campus, les gens de passage. Pas d’artifice, le contour du corps est découpé dans du gazon synthétique ; la moitié de la silhouette, toujours allongée se redresse sur le flanc.
Le corps devient paysage, le paysage est anthropomorphe. Ces silhouettes émergent du sol, d’autres, découpées dans du feutre, sont empilées comme des dépouilles sans volume.
La sculpture de Didier Béquillard est constituée d’éléments en deux dimensions qui, une fois installées dans l’espace deviennent paysage en trois dimensions puis atteignent la quatrième dimension. Et dans ce paysage notre propre corps , notre propre regard devient à la fois spectateur et acteur.
Il faut rentrer dans ce paysage et y rester, alors le jeu de la métamorphose prend vie.
Les silhouettes humaines vertes, artificiellement végétales ont une évidence dans leur contour et leur échelle que n’a plus la gigantesque silhouette qui envahit le mur de la galerie.
Constituée d’innombrables routes découpées dans des cartes routières, nationales rouges, départementales jaunes ou même toutes petites blanches. Elles disent voyage, déplacement, évasion, nomadisme des temps modernes. Les silhouettes elles sont stables, immobiles, empêchées. La géographie, la cartographie, sont ingérées et redéployées par l’immaginaire.
Comme dans la nature, avec Didier Béquillard, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Les chutes et les découpent sont récupées, exploitées, réincarnées même. Elles recomposent de nouveaux corps ou bien sont la matrice de frottages eux même générateurs de nouveaux dessins d’une très grande sensibilité.
Quand au «blobs », petits fragments découpés dans des revues, enduits d’une pellicule douce et transparente, ils sont les éléments constitutifs de silhouettes humaines encore, mais aux bras levés… devant qui, quoi, pourquoi ?
La galerie de l’ENAC devient paysage de corps, voyage mental, déplacement immobile, questionnement métaphysique. Antoine de St Exupéry, l’aviateur écrivait : « Soyez votre propre aviateur : prenez le risque de rester étendu sur une planche pendant des années – une destinée spirituelle. »
CATHERINE HUBER in Flash n° 1236, Toulouse.