Ausgewählte Stücke
Anne-Marie Siegel
C´est en vain que l´on chercherait un lien direct entre la ville de toulouse, la ville dite rose où vit Didier Béquillard et Hambourg (à part peut-être certain fabricant aéronautique, airbus pour ne pas le nommer !). Mais à l avion cet artiste-plasticien préfère le vélo, du moins pour ce qui est d´explorer la ville ou bien il l´arpente à pédibus. C´est ainsi qu il découvre la cité et les formes qui la composent. Le dénominateur commun à presque toutes ses réalisations est le territoire et la conscience que l´on en a –ou non. Le territoire sur lequel on marche et que l´ on perçoit -ou non. Lorsqu´on parle de territoire des associations telles que propriété, partage, limite et identité se font jour. Pour cette installation l´artiste s´est rendu au cadastre de Hambourg où il s´est procuré des plans d´immeubles dont il a choisi –simplement, dit il- ceux dont la forme lui plaisait le plus. Des édifices privés ou publics offrant une grande diversité de contours. Puis il s´est glissé dans la peau d´un cartographe, relevant avec précision les parcelles immobilières sélectionnées et leur attribuant une nouvelle échelle. A l´aide de formes réalisées dans de fragiles matériaux de tarlatane et de bourrette -comme une métaphore du précaire tissu urbain- une topographie imaginaire se crée sur les murs de la galerie qui se couvrent d´un capitonnage savant. Peut-être une volonté de l´artiste d´occupation physique du territoire ? Mais qu´est-ce donc, en fait, ce qui se donne à voir là sur ces murs qui nous entourent ? Des formes molles, un peu déroutantes, sans ordre ni hiérarchie précis, ne relevant pas d´une fabrication en série. Notre regard s´égare : a-t -on affaire à une image plane, un dessin peut-être ? non, on observe ici ou là, selon l´axe, un renflement, donc on est bien dans la troisième dimension. Un grand nombre de formes –300 exactement- réalisées à l aide de bourrette délicatement glissée dans un manteau de tarlatane, le tout scellé par une bordure (la frontière ?) de colle thermo-fusible. Vous avez dit bourrette ? le dictionnaire des tissus nous apprend que c´est un produit de résidus de fils textiles utilisé le plus souvent dans l´industrie. Tarlatane ? une variété de gaze empesée utilisée autrefois pour renforcer le col des vestes. Légèreté, douceur de l´étoffe mais aussi sa soumission au geste sécateur. En tout cas, sous une apparente simplicité plastique, un jeu subtil de pleins et de vides s´instaure. Le changement d´échelle opéré par Didier Béquillard élève notre regard de spectateur, si distrait d´ordinaire par la métropole qu´il ne sait plus où il pose les pieds. En effet, qui dit changement d´échelle dit changement de point de vue. C´est l´art du cartographe qui sait qu´en modifiant l´échelle on altère en même temps des notions comme la densité ou le temps qui semblent, de prime abord, distincts du problème de la dimension. Quoi qu´il en soit, par leur nouveau positionnement, c´est-à-dire hors de leur place dans leur parcelle d´origine, les Morceaux Choisis se mettent à vivre leur pleine autonomie, ils s´émancipent -y compris de la rue. Pour reprendre l´image de l´avion du début, on pourrait dire que Didier Béquillard, en jouant avec les formes dans une perspective verticale, nous fait prendre de la hauteur. Certes, si le point de vue n´est pas aérien, il nous fait du moins prendre du recul. Comme une invitation à se ré-approprier le sol. Cette fiction, qui allie de façon idéale la carte et le territoire, incite à plus d´une histoire. Dans ces intervalles, le regardeur peut déjà se frayer un passage et recomposer ad libitum son propre espace.
Texte d´introduction à l´exposition "Ausgewählte Stücke", dans le cadre de la triennale d'Architecture,
GalerieXprssns– Anne-Marie Siegel. Hamburg 12 mai 2006